Concours n°2

Le vent dans les feuilles. Le soleil, enfin de retour, réchauffe mes poils, fait flamboyer ma fourrure de feu. Je ne porte pas mon nom pour rien. Fleur de Feu. Fille de Lune Rouge, une des plus douces et aimées reines, décédée il y a quelques mois, et de Chêne de Pierre, renard gris ayant trahi Écorce Bleu, notre chef, et notre clan, par la même occasion. Et oui, je suis fille de renégat. Pas de ma faute, on ne choisit pas ses parents.

Enfin, revenons à nos moutons. Je viens de sentir la trace, encore toute fraîche d’un écureuil. Dressant aussitôt les oreilles, mes sens à l’affût, je m’élance dans la forêt, suivant l’odeur. Je m’arrête brusquement. J’entends les bruits. Des claquements de dents, des reniflements. Ils sont deux, enfait. Tant mieux. Le Clan a besoin de vivre. L’hiver a été rude, pour tous les clans de la forêt. Nous avons tous besoin de nous ravitailler, de reprendre des forces. Chez nous, les renards, nous avons perdu plusieurs petits, des guerriers sont morts en étant partis à la chasse, sous la tempête. Le froid avait également fait des ravages. Nous avions besoin de nourriture. Des chasseurs étaient envoyés, nombreux. Ils n’étaient quand même pas assez, car la moitié devait rester au camp.

Nous n’étions pas les seuls à vouloir reprendre nos terres et nos forces après l’hiver ; les six autres clans étaient à l’affût de nos faits et gestes, de nos faiblesses. Nous, les fins et rapides renards, étions le 3ème clan, le 3ème plus puissant de la forêt. A force de combat, de chasse, de sang, nous avions surclassés les serpents, les corbeaux, les lynx, les loups. Pas les ours et les cerfs, en revanche. Les premiers, beaucoup trop forts pour nous, les deuxièmes… Trop intelligents, puissant, calculateur, stratégiques. Aucun clan ne pouvait battre les Cerfs. Ou même espérer les battre…

Je ne m’étais jamais retrouvée devant un cerf. J’en rêvais, avant. Maintenant, j’ai appris à me méfier de ces animaux à cornes. Surtout grâce aux légendes et récits des anciens. Ils nous les racontaient souvent, lorsque nous devions exécuter les corvées dans leur tanière. Leur enlever les tiques, changer la mousse de leurs litières, etc., n’étaient pas des tâches très agréables, mais c’était le devoir d’un apprenti que de les exécuter. En plus, nous avions toujours une histoire à la clé. Les anciens en connaissaient des tonnes. Surtout des anecdotes de guerres. Mais, plusieurs fois, les femelles nous racontaient des histoires d’amour. Lorsque c’étaient le cas, je préférais m’éloigner. Je n’aimais pas ces histoires. Les amours, très peu pour moi ! Je veux devenir une guerrière, pas devenir une reine et avoir des petits. (Les reines sont les femelles pleines, et celles qui élèvent les renardeaux) Ma mère en était une, de reine…

Mais, moi, je veux devenir comme papa. Pas une renégate non, mais une guerrière. Mon père était un puissant guerrier, un lieutenant même, avant de se faire bannir. Il n’étais pas d’accord avec Écorce Bleue… Notre chef souhaitait conclure une trêve avec les loups. Mon père s’y refusait, disant qu’ils nous trahiraient à la première occasion. Ils se sont battus, dans un élan de colère, mon père et mon chef. Après… Papa est parti. Je n’ai plus de nouvelles depuis… Plume Noire a été nommé lieutenant, au départ de mon père. Je l’aime bien Plume Noire. Son poil est gris, et noir, évidemment. Il a le corps couturé de cicatrice, plus ou moins récentes. Il est fin et agile, mais cache une puissance assez… Puissante. Le seul inconvénient, c’est qu’il est du genre à foncer tête baissée, sans vraiment réfléchir. Si Écorce Bleue venait à mourir, et que Plume Noire prenait sa place… Je n’ose même pas imaginer ce qu‘il adviendrait…

Enfin, tous ça pour expliquer le fait qu’un apprentie comme moi se retrouve dans la forêt à chasser, alors que je devrais être entrain de suivre ma formation. J’aime bien chasser, de toute façon. Et, quelque part, je sais que c’est un entraînement. Sauvage, mon mentor, ne doit pas être loin. Reportant mon attention sur mes proies, je m’avance lentement. Ils remarquent ma présence, et essayent de s’enfuir. Je saute à leur poursuite. J’ai tôt fait de rattraper le premier que je tue d’un coup de dent à la nuque. Le deuxième s’enfuit en grimpant à un arbre. Je ne le suis, évidemment, pas. Je suis une renarde, pas un écureuil ou un corbeau, dieu merci quelque part.

Je ramasse le cadavre du petit écureuil, et commence à rentrer vers le camp. Mon estomac gronde, mais j’essaye de ne pas y penser. Le clan en premier. Je ne mangerait que lorsque nous aurons assez de nourriture ! Marchant gaiement vers le camp, je réfléchis à l’endroit ou j’irais après. Car je sais que je devrais repartir à la chasse. Le Clan a besoin de moi, et rien que pour ça je chasserais toute ma vie sans m’arrêter si il le fallait ! Je suis un apprentie guerrière. Il faut que je fasse passer le clan avant moi. C’est une des premières lois du code du guerrier !

Je vois finalement la grande pierre plate qui cache un tout petit passage, invisible à qui ignore son existence. C’est l’entrée du camp. Vérifiant que personne ne m’espionne, j’aperçois Étoile Filante, notre guérisseuse, entrain de cueillir des feuilles un peu plus loin, accompagné de Plume Noire, sans doute là pour la protéger en cas de danger. Je les salue par un petit cri, qu’ils me renvoient. Enfin… Étoile Filante me le rendit. Plume Noire ne m’aime pas, pour une raison que j’ignore. La plupart des gens disaient que c’était à cause de mon père, le renégat, et qu’il craignait que je ne fasse comme lui. Mais je suis sure que ce n’est pas ça. Mon instinct me le dit. Je me faufile dans le petit espace derrière la pierre. J’atterris dans un tunnel sombre, en pente douce, qui s’enfonce dans le sol. J’attends que mes yeux s’habituent à l’obscurité avant de trottiner joyeusement, le petit écureuil se balançant dans ma gueule, me faisant presque saliver. Vivement que j’arrive, où je vais le dévorer. J’accélère, le regard rieur. Je continue à accélérer, au point d’arriver dans le terrier principale à fond de train, courant comme si j’avais le diable au trousse. Je ne crois personne dans le tunnel, mais ça ne m’étonne pas ; ceux sachant chasser chassaient, les autres s’occupaient des petits. Pas compliqué. Et vu que les dernières lunes ont été rudes, tous le monde faisait ce qu’il savait faire.

J’arrivai finalement dans l’immense terrier qui sert de refuge au Clan. Je vais directement au centre, où un trou est creusé. On y entrepose la nourriture. Mais lorsque je lançais ma proie dans le trou, il n’y avait que peu de proies … Je poussai un soupire. Ce n’est pas tout de suite que je pourrais manger.

- Fleur de Feu, tu as bien chassé. Va te reposer.

Je sursautai en entendant Sauvage derrière moi. J’étais tellement perdue dans mes pensées que je ne l’avais pas entendue approcher ! Mentalement, je me morigénait et me promis de ne plus me laisser surprendre.

- Je ne suis pas fatiguée. Je ferais mieux de repartir à la chasse.

Mon mentor me lança un regard imperturbable, semblant cependant y réfléchir.

- Une patrouille de Loups arrivent. Tous le monde a été rappelé.

Mes yeux s’ouvrirent grands. Nous avions surclassé les loups, mais ils étaient tout de même de redoutables combattants. Pourquoi venaient-ils ? Ma question dut se lire dans mon regard car Sauvage reprit la parole.

- Nous sauront ce qu’ils veulent lorsqu’ils seront là.

Et justement, on entendit des pas précipités. Je sentis leurs odeurs avant de les voir.

3 loups, escortés par Bouton-d’Or. Le Chef et deux guerriers. L’un saignait de la patte, l’autre chancelait. Même Flocon de Sang, le Chef, ne paraissait pas en grande forme. J’aperçue également Écorce Bleue qui sortit de sa tanière. Il s’assit devant eux, leurs bloquant le chemin.

- Que venez-vous faire ici ?

Le Loup albinos plongea son regard dans celui de son alter ego un long moment avant de répondre.

- Nous venons réclamer ton aide, en tant qu’alliés. Les Lynx attaquent.

Tout les renards présent eurent un hoquet de stupeur. La phrase du loup, si elle était vraie, ne signifiait qu’une chose : On était mal barré.